Texte inclus dans le spectacle "Histoire d'en rire" - comédie à sketches - 12 textes
Histoire d'en rire Parler d'humour… De vous faire rire, Eût été plus utile, Mais relève pour moi, De l'impossible exploit. Un poème sur mesure, Détourné de ses rimes, De ses vers mesurés. La poésie du rire, De toutes les contraintes, Se doit d'être affranchie. Pour rester poétiques, Les mots ont leur musique. Poésie libre en vers, De nature à surprendre, A vous faire activer L'ensemble de vos muscles, Nommés zygomatiques. La panne d'écriture, Au poète, cause aussi Hélas, bien des tourments. Alors, c'est à sa plume Qu'il s'en remet vraiment. Elle saura lui trouver Les mots d'esprit, sans doute, Pour vous faire, tout au moins, Esquisser un rictus. Je la prends dans ma main, Et la plume, tout à coup, S'agite violemment, Et crache de son encre Quelques mots qui s'égarent : «Rigoler, ricaner, Se poiler, se marrer, Pouffer, se bidonner, Se gondoler, pisser De rire, se fendre la Gueule…» J'essaie de mes deux mains De retenir ma plume Ne sachant, je l'assure, De qui elle tient vraiment A user d'un langage Aussi peu raffiné. Vers quelle destinée Funeste et insensée M'entraînera-t-elle, moi, Bien malheureux poète ? D'un coup sec, je parviens Sans mal, à lui ôter Son réservoir, son sang, Otant du même coup Son venin malfaisant. Et je me tourne alors, Vers cet humble crayon, Usé jusqu'à la pointe, Qui se présente à moi Pour me sauver des eaux Le tenant fermement, Le poussant à écrire, Appuyant sur sa pointe, Je n'ai pour tout effet, Qu'une mine cassée, Des graffitis immondes, Une feuille trouée. Délaissant le crayon, Et sa mine défaite, Je reprends, sans mot dire, L'impertinente plume, Et lui fais bien comprendre Que le monde serait A ses pieds, tout entier, Si toutefois, enfin, Simplement elle daignait, En deux mots bien trouvés, Amuser l'assemblée. Elle reprend sa cartouche De sang et de mystère, Puis crisse bruyamment De sa pointe acérée. Mais son encre séchée, Rend les mots invisibles, Sur la page froissée. Et moi, n'y tenant plus, N'y comprenant plus rien, Et vous non plus, sans doute, J'en perdrais mon latin. Que de prétextes, tous deux Ont trouvés, pour me nuire, La plume et le crayon Dans leur grand jeu de mime. Mais j'eusse été heureux D'entendre votre rire, Aux éclats, et bien pire, Et de voir de mes yeux Vos muscles s'activer, Et votre bouche immense Demeurer grand-ouverte Et vos dents magnifiques, Et toutes vos couronnes Que j'eusse pu bien compter. Laura Krasnopolsky Traduit en espagnol par Cesar Andrade, poète (Venezuela) Retour à la page "Ecrits publiés" |